Monster : l’horreur au féminin ?
paquita | 17 janvier 2011Monster est un film de femmes, réalisé par une femme, Patty Jenkins, mais avec une portée universelle. Il soulève, au-delà du fait-divers sordide, des problématiques économiques et sociales qui entraînent inévitablement, leur cortège de misères affectives et de destruction.
Adaptée de l’histoire tragique et complexe d’Aileen Wuornos, baptisée à tort “première tueuse en série” aux Etats-Unis, cette 3ème vision filmique, tente de reconstituer le cheminement interne qui conduisit Aileen à la chaise électrique, en octobre 2002. Ce qui pourrait être considéré comme la “source” du malaise d’Aileen (les maltraitances subies dans l’enfance, la prostitution à l’adolescence) n’est pas reconstituée mais esquissée. En effet, le récit se focalise sur l’histoire d’amour que vivra Aileen avec Selby, coup-de-foudre réciproque qui lui donnera enfin une raison de ne pas mourir. Comme preuve d’amour absolu et parceque qu’elle ne sait rien faire d’autre, Aileen décide de subvenir aux besoins matériels du couple en continuant à se prostituer. Mais le destin mettra sur sa route un fou-dangereux qui la torturera et mettra sa vie en péril. La série des meurtres d’hommes fréquentant des prostituées, débute donc par un acte de légitime défense.
Ici il faut souligner l’ incarnation magistrale de Charlize Théron, légitimement récompensée en 2003 pour ce rôle hors-norme. Servie par une métamorphose physique stupéfiante, elle s’accorde parfaitement avec l’interprétation de cette femme aux blessures multiples, à vif et pourtant débordante d’énergie. Bourrée de contradictions et d’un mal de vivre que l’abus d’alcool n’apaise en rien, elle n’en est pas moins pourvue d’une logique qui est celle de la rue et de la survie. Dans une scène particulièrement symbolique, elle développe en termes poignants et parfaitement intelligibles, sa ”théorie” du meurtre, laquelle se fonde sur son expérience de l’homme, balayant une moralité ou une conscience dont ces derniers, par machisme ou hypocrisie chrétienne, se seraient défaits. Pendant toute la durée du film, c’est Aileen que nous voyons évoluer, se malmener et malmener les autres, se battre avec une intelligence forgée dans la violence et la solitude, aimer avec l’abnégation des gens de foi et le fanatisme d’un manque affectif abyssal. A aucun moment, la réalisatrice ne sera tentée de la rendre moins abîmée à l’image, un peu plus attrayante. L’intégrité fut, semble-t-il, l’attitude-reine de ce tournage et confère au film une force d’attraction peu commune.
Enfin, son esthétique “prolétaire”, souvent pluvieuse, sale, dessinant un paysage architectural et culturel pauvre de ce qu’on a coutume d’appeler “l’amérique profonde”, nous plonge dans l’univers glauque d’Aileen et dans la mécanique inéluctable d’une asphyxie programmée.