Evguénie Sokolov : les flatulences romanesques de “l’homme à la tête de choux”…
paquita | 25 novembre 2010Paru en 1980 et sous titré Conte parabolique, Evguénie Sokolov est un roman concis au style classieux, tout-à-fait dans l’esprit fin-de-siècle et plus précisément “Je m’en foutiste”. Il se présente comme une grosse blague, voire un délire scatologique, mais recèle en réalité bien des pistes de lectures sur l’auteur, son œuvre, sa conception de la création ou encore sa vision des rapports humains.
C’est l’histoire d’un mec, peintre raté, qui fortuitement parvient à créer des toiles qui lui apporteront argent et célébrité. Atteint de perpétuelles flatulences, l’homme découvre un jour en peignant que la puissance de ses gaz le font dévier sur la toile, conférant à son travail un “élan” inattendu. D’une manière toute aussi incongrue, son “art flatulent” plaît. Misanthrope, torturé, perpétuellement insatisfait, le personnage d’Evguénie Sokolov qui est aussi la voix du texte, peut être vu comme un double troublant de l’auteur. Un double fictionnel qui lui permet peut-être d’assouvir les tourments existentiels qui l’animaient dans le réel. Le roman peut aussi être comprit comme LA métaphore Gainsbourienne de ce que l’homme pensait de “l’art mineur” qu’il pratiquait (la chanson) et les regrets amers qu’il exprima toujours envers la peinture. Mais c’est aussi une critique sévère du monde de l’art, des impostures de ceux qui le façonnent, des incompétences de ceux qui l’achètent et du mercantilisme de tous. Avec ce roman idéalement construit qui se lit d’une traite, Gainsbourg démontre brillament qu’il est un “homme de lettres” au sens plein du terme. On regrette qu’il n’y en ai eu qu’un, mais peut-être était-ce le souhait du “beau Serge” ?
Pour finir, Evguénie Sokolov c’est aussi le titre d’une chanson à la mélodie “évocatrice” que l’on pourra apprécier sur l’album Mauvaise nouvelle des étoiles sorti en 1981.
Chez Gainsbourg, tout fait sens…