Mary Poppins : fantaisie et anticapitalisme !
paquita | 16 mai 2010Habituellement, je n’aime pas les comédies musicales pour bambins : c’est hystérique, mièvre et ça fait du bruit. Je n’avais donc jamais vu ce film (sorti en 1964) et m’en faisait une idée calquée sur mes préjugés : cul-cul la praline, vieillot, probablement moraliste, etc. Mais à mon grand étonnement j’ai découvert une véritable perle ! Il y a bien un miracle Mary Poppins, une étonnante alchimie qui opère et vous fait redevenir enfant, comme si vous n’aviez jamais quitté cet état.
Tout d’abord, comme dans Alice aux pays des merveilles, la normalité y est remise en question. La logique se renverse pour faire place à la fantaisie et à la magie. Ainsi Mary Poppins se déplace-t-elle par voie aérienne, au moyen d’un parapluie largement déployé : jolie modernisation du balai de sorcière et fantasme d’envol partagé par bon nombre d’enfants. L’étrange jeune femme s’invite donc dans une famille débordée, les frasques des rejetons faisant fuir les nanys les plus expérimentées. Mais derrière le verni de cette famille apparemment sans tâches, aux mœurs bourgeoises, un tantinet réactionnaires, se profile un malaise né de l’incommunicabilité entre le monde des enfants et celui des adultes. Toujours avenante, cette nany hors-normes n’en sera pas moins critique, tant à l’égard de l’éducation prodiguée aux enfants, que vis-à-vis du comportement de ces derniers. C’est une espèce d’éducation alternative qu’elle s’emploie à dispenser, mêlant des caractéristiques à priori incompatibles : bonne humeur, imagination et surtout rigueur… Ces nouvelles règles visent le déconditionnement des enfants, des parents mais aussi celui du “personnel de maison” (nous sommes au début du XXème siècle, chez les riches).
Techniquement, le mariage du réalisme et du dessin animé sont un enchantement, car ils réactivent instantanément ces visions enfantines dans lesquelles le réel se mêle harmonieusement au rêve. On se trouve littéralement embarqué dans des péripéties folles, faisant intervenir des personnages rocambolesques, tantôt humains tantôt dessinés et des lieux du commun qui révèlent tout-à-coup leur nature extraordinaire. Mary, tout en entraînant les enfants dans son sillage, conserve toujours sa dignité et leur démontre que l’on peut vivre pleinement des aventures extravagantes, en demeurant une personne crédible et de confiance. Cette comédie musicale, pleine d’humour et jamais gnan-gnan, délivre in fine une “morale” assez inattendue, fondée sur le partage des richesses, qu’elle soit économique ou affective. Une chute surprenante pour une œuvre produite dans un pays où l’individualisme fait loi et qui évoque le poignant ”Conte de noël” de Charles Dickens.
Enfin, on rit beaucoup et sans façons des milles et unes trouvailles de ce film plein d’imagination, de tonus et de finesse. Vivement recommandé en cas de grisaille morale !