Yvette Leglaire : qui aime bien, charrie bien !
paquita | 7 décembre 2008Et il faut l’aimer la chanson française, pour se permettre de la railler avec autant de malice ! Car Yvette Leglaire n’est pas qu’une délirante caricature des chanteuses à texte et de leur mégalomanie. Le personnage parodie aussi les fans inconditionnels, dont elle fait assurément partie.
Mélange étrange et loufoque, le phénomène se situe quelque part entre Gréco la tragédienne, Elvira la vulgaire et l’antique Alice Cooper. Le mythe à l’éternelle robe noire s’est en outre affublé d’un nom de scène à la hauteur de ses intentions : Yvette Leglaire, croisement entre la folie kitsch d’une Yvette Horner, et d’un patronyme qui évoque le niveau fluctuant de la subtilité comique. Et oui, quand on ne se prend pas au sérieux, comme c’est le cas pour ce grand travelo décati qui refuse obstinément de quitter son PUBLIC, on dit parfois de viles grossièretés qui feraient rire, même les admirateurs de feu la gravissime Barbara.
Le Cri de la Virgule s’en va donc vous conter cette rencontre, comment dire, mémorable : c’est en nous rendant au Point Virgule (cousin éloigné) pour assister à la performance de l’incarnation du croquemitaine Didier Super, que notre attention se porta pour le première fois sur le visage radieux (ci-dessus) de la grande dame injustement ignorée de la chanson française. Nous avions ouï-dire que LA LEGLAIRE s’était commise dans une émission de télévision type radio-crochet, afin de faire connaître au grand PUBLIC, l’étendue “dévastatrice” de son talent. Nous aurions pu facilement, en quelques clics, la découvrir sur Internet mais, rattrapée par l’image envoûtante de cette ténébreuse beauté annonçant une artiste rare, nous nous ravisâmes, décidant de préserver l’émoi du premier contact scénique.
Comme nous avions raison ! Le jour “j”, accompagnée de son pianiste, moustachu malingre et introverti, la plus réaliste, la plus authentique des chanteuses, fit dans la lumière, son apparition, merveilleuse épiphanie, en chantant l’air bien connu : “Me vl’à, me vl’à me vl’à me vl’à me vl’à, Me vl’à” !!! Telle une apôtre de la chanson française, Yvette nous introduit sans fausse pudeur dans son boudoir, sa mythologie, après 35 ans d’une douloureuse absence : “Quand j’ai commencé ma carrière, c’était en 1914… oui ! je me souviens ! j’ai chanté pour les poilus, j’ai d’ailleurs rencontré un grrrand succès avec Viens m’troncher dans les tranchées” !! Ah !! Yvette canaille, Yvette gouailleuse, Yvette gueularde, Yvette plaggiée par des consoeurs et confrères peu scrupuleux (Aznavour, Brel, Piaf , tous !) Yvette artiste complète, muse de Cocteau (il la surnommait la muse-gueule), actrice (80 films muets à son passif), danseuse de music hall internationale (elle détrôna Judy Garland), amoureuse (on ne la quitte pas !) alcoolique (c’est pour sa voix), tyrannique (comme tout génie qui se respecte), c’est tout ça Yvette Leglaire, une alchimie complexe, indescriptible, disons-le simplement, fascinante.
Enfin que dire de ses TEXTES ? Des mythes, certes, un peu mités mais tellement imités ! J’aime les bananes, par exemple, bouleversante interprétation qu’un certain Serge Lama lui ravît, un soir de beuverie, pour en faire le putassier Je suis malade, honteux plaggiat contre lequel LA LEGLAIRE, artiste indé avant l’heure, s’indigna dignement : “Je refuse la compromission du succès CommeRRRcial” !
Yvette Leglaire est peut-être hors d’âge, mais elle ne sera jamais hors d’usage ! Car en dépit de ses 75 ans de carrière, elle l’a promis : “Je ReviendRRRais”!!!