Petits contes cruels pour grands enfants pas sages : à table !!!
paquita | 12 avril 2010Voici une BD française (oui môssieur, oui mâdame) au format comic book et à l’esprit fanzine qui mérite le détour ! Constitués de treize récits, les Petits contes cruels pour grands enfants pas sages puisent aux sources du climat expressionniste avec une délectation communicative : perspectives bancales, personnages effrayants, histoires burlesco-morbides, bref tout ce qu’on aime !
Un certain Aurélio, créateur de ces petites merveilles artisanales, a développé et mis en scène un univers tordu et tendre à la fois, aux dessins inspirés et très stylisés. Ses histoires se lisent comme des comptines et se regardent longtemps, afin d’en goûter pleinement la richesse du trait, le soucis du détail. Il convient de souligner le travail de l’éditeur qui livre ici un bel objet, imprimé en bichromies. En effet, chaque récit arbore sa propre couleur, procédé ingénieux qui permet d’accentuer l’effet recherché (montée de l’angoisse par exemple). Ces récits brefs sont parfois précédés d’une morale que le bédéaste s’emploie alors à illustrer d’une manière personnelle et poétique, usant d’un humour noir fort délicat. On remarque aussi une grande inventivité, laquelle tire sa source des angoisses et désirs contrariés de la nature humaine ou d’états mentaux limites. La composition des planches, le découpage des cases et la narration sont originaux, pensés, pesés. Les titres en forme de clins d’œil donnent le ton, en lettres gothiques cela va sans dire ! Coups de cœur pour “Acouphène ou le compositeur fou”, “Junkie Christmas”, “La faim de l’ogre”, “Tiempo de paz” ou encore “Le théâtre de la vie”. L’enfilade de ces contes cruels exquis, souvent empreints de romantisme, est un régal pour les yeux comme pour l’esprit.
Enfin, on peut dire qu’Aurélio creuse le sillon du fantastique avec un style dans lequel on remarque des filiations et cousinages (certains personnages évoquent ceux du “Nightmare Before Christmas”, on pense aussi aux Shadoks, princes de l’absurde, à la folie minutieuse de Crumb) mais dont il s’affranchit avec un talent singulier. Que soit vivement remercié ce grand enfant pas sage qui sait si bien nous mettre en appétit !