Retour sur “Crève-coeur” de Daniel Darc
paquita | 3 juin 2009On vient à une chanson pour la musique. On y reste pour le texte.
Alain Bashung
Sorti en 2004, “Crève-cœur” est un album qui porte bien son nom. Ce qui frappe de prime abord, c’est la maturité qui s’en dégage, que ce soit dans les mélodies, les arrangements, le texte ou son interprétation. Sobriété, émotion, retenue, sont les mots qui viennent de suite à l’esprit. Dès la première chanson, “La pluie qui tombe”, une voix de velours nous invite à entrer dans un univers singulier, un climat poétique où mélancolie et espoir se répondent en écho. Sur “Un peu c’est tout” une flûte aérienne vient alléger un texte qui ne l’est pas, bien au contraire. On retrouve dans chaque morceau cette petite musique de l’enfance. Elle vient rééquilibrer ce qui pourrait sombrer dans la noirceur et insuffle la candeur nécessaire à la distance. Pathos et cynisme sont bannis de cet univers romantique et moderne. Au fil de cette plongée sonore, la simplicité touchante des textes révèle toute l’étendue de leurs sens. Ces derniers, au nombre de douze, se tiennent toujours à la frontière de la mélancolie et de l’espérance douce-amère. “Psaume 23″, texte emprunté à la bible, est magnifiquement interprété et mit en musique. Il vient clore cette longue prière de chansons poignantes, dans une illumination finale. Daniel Darc est très croyant : “Plus on croit et plus on doute” dit-il. De fait, ses textes sont traversés par des préocupations existentielles et des motifs religieux :
“Pardonnez nos enfances, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont enfantés” glisse-t-il dans “Un peu c’est tout”.
La voix de Daniel Darc est profonde, chaleureuse. Son timbre, son élocution tranquille, nous racontent les errances, les abus, la quête, le poids d’un vécu et l’importance de nommer ce qui anime encore ce survivant : “Je ne regrette pas d’avoir pris de l’héroïne” confie l’ex Taxi Girl. Son visage, marqué mais serein, en témoigne. Il existe une harmonie triangulaire entre l’auteur, son expérience de la vie et l’intime de ces créations. La vie nourrit l’œuvre et inversement. C’est pour cette raison que “Crève-cœur” porte si bien son nom : il vous prend au cœur et ne vous lâche plus.