Maxi Magic Monster Show + Le Cirque des Mirages
paquita | 3 avril 2009Ce mercredi 18 mars 2009 est un jour à marquer d’une pierre blanche. Remercions tout d’abord les programmateurs du festival Chorus pour avoir eu l’audace de présenter “deux cas” un peu part dans le paysage musical français.
Je venais pour le “fabuleux Cirque des Mirages“. Trois-quart d’heure en avance pour être certaine d’être au plus près du miracle scénique, bravant du même coup ma réserve. Un peu avant midi, le chapiteau du Magic Mirror spécialement affrété de Belgique, ouvre ses portes. Drôle de contraste qu’offre ce petit temple de bois doré, flanqué de peintures naïves, au beau milieu de cette laideur glaciale que constitue La Défense. Passons. Nous entrons. La salle se remplit rapidement. A l’intérieur, ciel et murs tendus de rouge, chaises de velours assorties, petite scène déjà animée d’un décor, celui du Maxi Magic Monster Show. Je découvre. Boule de cristal, crâne, objets de bohème, de cirque itinérant genre “Freak Show” ou “New Burlesque” (très à la mode ces dernières années). Je m’inquiète. Je crains le mauvais pastiche, la caricature. J’aurais pu me renseigner et renseignement pris, c’est le Maximum Kouette qui se dissimule derrière le Maxi Magic, tel un avatar polymorphe. Le concert débute. On diffuse sur fond de sirène un discours sur la norme, évoquant l’anxiogène “1984″. S’avancent tour à tour un sombre desperado un brin dandy, un fakir un peu blasé, une jolie automate, un personnage mi-homme mi-femme, une femme-tronc, un “homme fort” un peu grêle, et puis la chanteuse, veuve noire au visage dissimulé. Les costumes sont soignés. Je crains le pire. J’ai vu trop de groupes d’une certaine scène dont je tairais ici le nom, qui n’avaient pas le talent de leurs prétentions. Mes supputations furent démenties. Quelle heureuse surprise ! Nous avons eu droit à un véritable spectacle, concocté par de véritable artistes, musiciens inspirés (contrebasse, banjo, trompette, mélodica, castagnettes entre autres, étaient de la partie) et avec de l’humour s’il vous plaît ! Inquiétée par la chanteuse qui se révéla être une femme à barbe (autre “délire” à la mode), je fus ravie par l’amplitude et le timbre précis de sa voix aux accents “fifties-amerloque”, son aisance sur scène, les références intelligemment glissées dans les textes. On y parle de la vie d’aujourd’hui avec des mots d’aujourd’hui, des amours déçus, des lendemains de fête, des contraintes, on gouaille pour de rire en aiguisant des couteaux, on chante en anglais, en espagnol et majoritairement en français, partis-pris redoutable à gérer avec un son rock, et qu’il faut saluer. Proche du public, ils se sont montrés, vraiment très humains ces monstres charmants, pas bégueules pour un sou et surtout très talentueux. On espère que l’éclectique public du Magic Mirror qui les a applaudit debout (ce qui n’est pas rien) grossira ses rangs pour les suivre de près.
A présent, venons-en au Cirque des Mirages. Je n’avais jamais eu l’occasion de les voir sur scène, mais je les avais beaucoup beaucoup écoutés, surtout l’enregistrement au forum Léo Ferré. J’écoutais en boucle et encore en boucle, imprégnée au point d’entendre ces enragés au cœur de la nuit, venir perturber mon sommeil. Pire : je ne m’en lassais pas, je les écoutais même ! Au matin, sous la douche, chantonnant inlassablement “La jambe” cette pépite décadente, j’imaginais en les mimant, les gesticulations du grand Yanowski et les coups d’œil assassins de l’impassible pianiste Fred Parker. Autant dire que mon attente était immense. J’avais aujourd’hui atteint un niveau d’exigence extrême. Serait-elle enfin satisfaite ? En aurais-je pour mon idolâtrie ?! J’en suis encore éblouie. On installe le piano, le pied et son micro. Parker débarque, décontracté, l’œil allumé, bientôt suivi de Yanowski, géant vêtu de noir, veste trois-quart, cheveux plaqués, yeux charbonneux, une allure folle, Bela réincarné ! Un frisson me parcourt l’échine. En maître de cérémonie, l’artiste syncrétique commence par se livrer à un petit exercice d’hypnose collective sur l’auditoire déjà fasciné. C’est un nouveau spectacle. Sa thématique : le temps. Ces temps explorés (fin dix-neuvième, début vingtième) sont mêlés : histoires, contes de mort et d’amour, saynettes cinématographiques, incarnations échevelées de personnages mythiques (l’apothicaire, l’artiste crève-la-faim, le petit malfrat) se succèdent dans un tourbillon sonore en noir et blanc. Le chanteur aux allures de danseur, suant sang et eau, se démène, se déplie, allongeant ses membres comme une marionnette aux mouvements autonomes, suivant le rythme du piano ou bien sont-ce les notes qui tirent sur ses membres souples ? Le jeu de scène du Cirque des Mirages est à la fois sobre et expressionniste, diaboliquement précis, tout en élégance : deux hommes noirs dans la lumière. Mais comme j’ai été hypnotisée pendant plus d’une heure, je ne peux pas dire que ma mémoire soit tout-à-fait fiable dans le récit de cette performance… Je me souviens néanmoins que le public les a acclamés debout, tandis que je restais éberluée, sous le charme de ce “mirage scénique” tant attendu. Ce fut une envolée magique, hors du temps présent, rien que ça.
Tout de même, un dernier mot messieurs les poëtes : “Bis !”